Vous lisez une nouvelle, un article ou un reportage dans votre journal ou magazine préféré et, sans vous en rendre compte, vous venez de contribuer à ce qu’une certaine entreprise obtienne une meilleure position dans les résultats de Google. Peut-être, amusé par le contenu du texte, ou simplement parce qu’il ne vous intéresse pas, avez-vous manqué un lien vers le site web d’un produit ou d’un service. Un lien qui correspondait au texte et semblait décontracté. Peu importe que vous ayez cliqué dessus ou non, que vous l’ayez vu ou que vous l’ayez ignoré. Car, que vous le sachiez ou non, vous venez de devenir un soldat dans la guerre du SEO, l’optimisation pour les moteurs de recherche. Il s’agit du linkbuilding, des millions de contenus sont publiés chaque jour dans le monde entier pour ce faire, et les médias en tirent une importante source de revenus.
Une enquête de Neeo et le podcast Los Mediatizados ont fourni des chiffres : El Mundo facture 7 012 €, El Español 7 161 €, ABC 4 492 €, ElDiario.es 4 719 €, El Confidencial 2 800 €, La Razón 2 532 € ou Público 2 178 €, pour donner quelques exemples de journaux aux lignes éditoriales très différentes. Il apparaît également sur les sites web des grandes stations de radio : 2 662 euros pour COPE, 2 662 euros pour Onda Cero, 1 168 euros pour Los 40 et 1 154 euros pour Rock FM. On le retrouve également dans les journaux économiques : 4 398 euros pour Cinco Días, 2 312 euros pour Bolsamanía ; dans les magazines de référence : 5 000 euros pour Muy Interesante ou Marie Claire ; dans les blogs célèbres : 5 569 euros pour Neomotor, 2 360 euros pour AutoBild ; dans le site de télévision Vertele : 4 396 euros ; et même dans Forocoches, avec un tarif de 800 euros. Toutes les publications Internet, indépendamment de l’idéologie ou du sujet, font du linkbuilding, facturé en fonction du nombre de visites et d’utilisateurs uniques, et peuvent être contractées par le biais des places de marché, dont les intermédiaires sont des noms tels que Growwer, Coobis, Prensalink ou Leotycs, entre autres.
Ce que l’on y achète, c’est avant tout le travail des rédacteurs qui produisent des informations spécifiques pour répondre à l’intérêt d’un produit, d’un service, ou pour contribuer à influencer des stratégies spécifiquement créées par des lobbies. Si c’est mal fait, cela peut être très visible, un peu bâclé, et même le lecteur le moins critique s’en rendra compte : c’est de la publicité. Mais s’il est traité professionnellement par des journalistes du média lui-même, comme c’est souvent le cas, ou par des contributeurs suffisamment expérimentés, vous le lirez sans vous rendre compte qu’il a réellement une intention commerciale. Et nous parlons ici exclusivement du linkbuilding, qui n’est qu’une partie du contenu payant.
Le journalisme professionnel a toujours refusé catégoriquement ce type de pratique. Il défend que sa capacité à être le quatrième pouvoir et à dire la vérité n’est possible qu’à partir de l’indépendance économique, grâce aux lecteurs qui le paient. Dans le passé, pour l’exemplaire physique, et aujourd’hui par le biais d’abonnements. C’est ainsi que sont nés avant la pandémie de nouveaux médias comme CTXT ou InfoLibre, qui ont assuré en 2018 qu’ils ne se prêteraient pas à ces pratiques, aujourd’hui parfaitement intégrées à leur modèle économique. Ce n’est pas qu’ils se soient vendus, il n’y a tout simplement pas un seul média dans notre pays qui puisse vivre exclusivement des abonnements, ou de la somme de ceux-ci et de la publicité directe, des annonces et des campagnes. C’est pourquoi aujourd’hui, ils font tous du linkbuilding et du contenu payant. Qui plus est. Les médias les plus lus en Espagne, et ceux qui ont connu la plus forte croissance, sont ceux qui ont opté le plus résolument pour ce type de pratique, en y ajoutant des titres clickbait et du sensationnalisme : 20Minutos, OKDiario et El Huffington Post.
Y no es un fenómeno local. Periódicos internacionales clásicos y de gran prestigio también lo hacen, como el francés Le Monde, su tarifa 19.360€, o el italiano La Repubblica, 16.426€. Pero es que esto ha ido ya mucho más allá. Este mismo mes de septiembre la revista Vulture, cultural del New York Times, descubría que la web de los tomates podridos, Rotten Tomatoes, ha llevado esta práctica tan al extremo que tiene a Hollywood absolutamente acogotado. Para quien no esté familiarizado con ella, es un referente en el periodismo cultural sobre cine, que eliminó a los críticos de cine, asegurando que las opiniones críticas sobre títulos, creadas por una comunidad de expertos, reflejaban de verdad el gusto del público, y no de unos intelectuales expertos y encumbrados. Acaba de descubrirse que si una productora paga lo suficiente, su película será calificada como preferida por el público, y mientras los críticos se rascan la cabeza y dicen lo contrario en sus secciones, gracias a este contenido pagado los resultados de Google arrojan un contundente «esta película es extraordinaria, ve a verla».
Un ejemplo que nos sirve para entender a dónde nos está llevando la influencia del linkbuilding y cómo se ha convertido, hoy, en el auténtico Cuarto Poder. Con una inversión suficiente los primeros resultados de Google serán solo los pagados, y las opiniones críticas o contrarias simplemente desaparecerán. Demasiado abajo para que lleguen a alguien. Puedes tal vez encontrarlas en las redes sociales, pero alcanzan menos influencia, y no olvidemos que los contenidos pagados se popularizaron precisamente para permitir a los medios competir con las redes por la atención del público sobre las noticias. Y para evitar la capacidad de tus bloqueadores de publicidad. Así es como la crítica de cine ha acabado siendo casi irrelevante, y el documental con el que despidió Carlos Boyero su larga trayectoria es un buen ejemplo del cambio de época en la información. Que Barbie u Oppenheimer hayan copado la cartelera de verano pagando puede, o no, tener importancia, pero por el mismo motivo de las empresas que más linkbuilding hacen aquí, rara vez leeremos noticias que hablen de sus defectos o malas prácticas. Demasiado abajo en los resultados.



